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Scène Nationale de Nantes : Le Lieu Unique

Une interface entre la ville et le centre d’art

Au cours de notre week-end d'étude, nous avons rencontré l'administrateur du Lieu Unique, Mr Jean-François Hervouet. Il nous a présenté le Lieu Unique, ses activités hétéroclites (son hammam, sa librairie, sa scène nationale, sa crèche, son restaurant-bar branché, sa tour LU datant de la fin du XIXe siècle que l'on peut visiter) et son histoire.

A l'origine de la création du Lieu Unique

Avant le Lieu Unique, il y a d’abord un esprit et une équipe qui s’inscrivent hors les murs durant quasiment vingt ans, dans la région de Nantes ; mais surtout un homme, Jean Blaise, qui fait de Nantes un des grands lieux de l’événement et de l’action culturelle en France. Appelé par Jean-Marc Ayrault lors de l’élection de ce dernier à la tête de la mairie en 1989, Jean Blaise va mettre en ébullition la ville, en offrant des actions culturelles inédites, de grande ampleur et ouvertes à un public élargi : des Allumées (1990-1996), qui révèlent un public d’art que l’on n’imaginait pas, à Estuaire (2007), en passant par Fin de siècle (31 décembre 1999) marquant l’ouverture au public de ce projet fou. Le site, après avoir servi d'usine à la marque de Biscuit Lu, fierté de la région, avait été laissé à l’abandon puis squatté. Il est redécouvert, quelques années plus tard, à l’occasion de la 4ème édition du festival Les Allumées qui en fait un grand souk l’espace de six nuits.

« A ce moment, [Jean Blaise s’est] dit que si un jour, [il] devai[t] poser [s]es bagages, réinventer une maison de la culture, ce serait dans une friche, car ce sont des lieux qui inspirent, qui font divaguer, gamberger, et qui excitent l’imaginaire ». (1)

Le Lieu Unique, un projet d'espace pluridisciplinaire pour une nouvelle interaction avec les habitants de Nantes

Le lieu est alors rénové par l’architecte Patrick Bouchain qui cherche avec attention à mettre en valeur les traces de l’histoire et à ne pas effacer ni édulcorer la rudesse de l’architecture industrielle. Il en fait l'espace tel que nous pouvons le visiter et nous l'approprier aujourd'hui.
Le projet du Lieu Unique porté par l'équipe de Jean Blaise est ambitieux et même utopique aux dires de certains. Il vise à créer un espace de vie, d'échanges culturels et artistiques, d’où la gratuité des expositions et l’ouverture du lieu à tous. En somme, il se veut un lieu public adressé aux habitants de Nantes mais surtout à ceux du quartier.

Espace de passage et de rencontres, il est une interface entre la ville et le centre d’art, qui génère une fréquentation qui n’est pas celle exclusive des « mondes de l’art » : fervents de hammam et d'art visuels, mères d'enfants en bas âge, amateurs de théâtre ou étudiants, lecteurs, touristes, salariés d'entreprises alentour venant déjeuner, jeunes se réunissant pour boire un verre, tous ces visiteurs peuvent aujourd'hui se côtoyer et se mélanger joyeusement !

Le Grenier du siècle métaphore du passage au nouveau millénaire et de l’ouverture du Lieu Unique

Il est une expérience ayant pour fin de resserrer les liens entre le lieu et les Nantais. Sur tout un côté de la façade, des bidons multicolores apparaissent au travers d’une double paroi translucide conçue par l’artiste plasticien Patrick Raynaud. Avant l'ouverture du lieu, il avait été demandé aux habitants du quartier de penser à l'objet le plus important de leur existence et lors d'une cérémonie officielle, les 16 000 objets choisis ont été enfermés dans les containers. Cette oeuvre monumentale est le symbole du pacte conclu entre ce nouvel arrivant dans le quartier, le Lieu unique, et ses habitants. Ce n'est qu'en 2100 que les objets scellés seront redécouverts par les générations futures et constitueront certainement un témoignage ethnographique rare. Belle histoire, n’est-ce pas ?

Dans le Sillage du Lieu Unique, le projet Estuaire, pour un retour de l'art dans l'espace public

Une fois le Lieu Unique bien ancré dans le paysage nantais, il a semblé essentiel de questionner à nouveau son rapport aux habitants : il fallait remettre l'art dans l’espace public afin de le rendre encore plus accessible. Idée qui se concrétise dans Estuaire, festival mis en marche par Jean Blaise en 2004. La première édition a eu lieu en 2007 et s’est adressée à des publics encore plus variés, dont 80% ne fréquentaient pas le Lieu Unique. Ainsi, pleins d’autres belles aventures en perspective sont à prévoir dans le sillage de ce lieu convivial et plutôt rare dans le paysage culturel de notre pays.

(1) Jean Blaise, « Etonne-moi, explique-moi » in Evénementiel vs action culturelle, Babel, Internationale de l’imaginaire no.22, p.115-116.

Pour plus d'information:  le site du Lieu Unique

Valentine Jejcic et Eva Dréano