A l'heure où les professionnels du spectacle vivant s'inquiètent du désengagement de l'Etat, à l'heure aussi où bon nombre s'indignent du contenu de la lettre de mission adressée à la Ministre de la Culture et de la Communication, la BIS ne pouvait éluder le sujet des politiques culturelles. Le grand débat qui a eu lieu à Nantes le jeudi 17 janvier au matin avait pour but de discuter des évolutions de ces politiques et de questionner un éventuel passage à un nouveau modèle de conception et d'intervention en la matière.
Pour introduire ces réflexions, Guy Saez a eu le premier tour de parole. Ce chercheur spécialiste de l'analyse des politiques culturelles a offert à un public attentif un exposé qui a permis d'esquisser les grandes évolutions sociales, culturelles, politiques et institutionnelles qui ont marquées notre société depuis les années 60. Sur le plan social, la place désormais centrale faite à l'identité individuelle a fait évoluer les pratiques culturelles en termes de dé-hiérarchisation et de dépolitisation. Au niveau politique et institutionnel, il a mis en avant la diminution de la place de la culture dans les débats politiques (y compris dans des cas où les parts de budget accordées à la culture sont conséquentes), et souligné les tensions et contradictions qu'a créé la décentralisation. Tirant conclusion de ces analyses, Guy Saez a envisagé deux types de recompositions: l'une permettant de mettre fin au dualisme des réseaux collectivités territoriales / Etat grâce à la mise en place d'agences qui piloteraient une coordination entre ces différents niveaux de décision; l'autre préfigurant le passage au modèle anglo-saxon qui n'a pas de politique culturelle propre mais attribue une mission culturelle à tous ses ministères.
Les autres intervenants ont repris chacun à leur manière ces grandes pistes de réflexions. Sylvie Robert, vice présidente et chargée de la culture au Conseil Régional de Bretagne et adjointe à la culture à Rennes, a souligné à son tour la complexité institutionnelle du modèle français, frein évident aux initiatives. Elle a défendu l'importance de travailler désormais sur des politiques publiques communes qui s'appuient sur un territoire spécifique, signalant au passage, que la Région s'applique déjà à effectuer le travail que Guy Saez voulait proposer à de nouvelles agences. A sa suite, Jean de Saint-Guilhem a pris le contre pied des interventions précédentes. Le directeur de la DMDTS s'est gardé de tout « catastrophisme »: pour ce faire, il a listé un ensemble de crises (financière, de la démocratisation culturelle, de l'emploi culturel, de la légitimité artistique, etc...) et a mis en parallèle les solutions pragmatiques proposées par la DMDTS. Il a particulièrement mis l'accent sur les possibilités de travailler sur des projets de territoire, de mieux articuler création et diffusion et de mieux maîtriser les coûts de production. En totale opposition avec son voisin, François Le Pillouër, président du Syndéac, a précisé que le modèle anglo-saxon n'était pas le seul et que les modèles latin et scandinave devaient aussi retenir notre attention. Son intervention a été l'occasion d'expliquer quelles idées et conceptions seraient défendues lors des très prochains Entretiens de Vallois.
Le mot de la fin a été accordé à la philosophe Marie-Josée Mondzain. En des termes plus conceptuels et théoriques et avec force de clins d'oeil et jeux de mots, elle a rappelé quels étaient la place et les enjeux de l'art et de la culture dans nos sociétés. Si l'ensemble des intervenants a proposé des visions originales et riches, on regrette toutefois que le temps n'ait pas permis un réel débat. Ceci aurait certainement permis de soulever bien d'autres problématiques ou d'apporter quelques contradictions.