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Les Abattoirs, un établissement unique en France

Samedi 10 novembre 2012 au matin, Olivier Michelon, directeur des Abattoirs de Toulouse, nous reçoit dans ce lieu atypique dédié à l'art moderne et contemporain.

Un lieu chargé d'histoire et d'ambitions artistiques contemporaines

Le bâtiment qui abrite aujourd'hui le musée d'art moderne et contemporain de la ville de Toulouse ainsi que le FRAC Midi Pyrénées a été construit en 1830 par l'architecte Toulousain Urbain Vitry.

Olivier Michelon commence sa présentation en nous rappelant que dans ces anciens abattoirs de la ville comme leur nom l'indique, on y tuait encore, il y a 35 ans les cochons, les vaches et les  chevaux ! Ces abattoirs municipaux ont fermé en 1988 et il aura fallu ensuite plus de dix ans pour préparer la reconversion de ce lieu mythique de la ville en un site dédié à  l'art moderne et contemporain.

Les premières œuvres s'y installent à la toute fin de l'année 1999. Pour cette occasion, les espaces ont été complètement repensés et le site abrite aujourd'hui : un café, un atelier de pratique artistique pour les enfants et une galerie d'exposition pour la restitution de ces travaux d'ateliers, une médiathèque qui comprend environ 30 000 ouvrages sur l'art, le centre de documentation du musée, l'administration et la sécurité, et enfin, au sein du bâtiment central principal, des espaces d'exposition répartis sur 3000m2 environ.

Si l'espace architectural est superbe, Olivier Michelon note qu'il n'est pas si évident  d'y accrocher les œuvres ! Le rez-de-chaussée met à disposition de grands espaces mais les pièces de l'étage comportent des plafonds très bas.

Ce projet d'institution patrimoniale est né d'une double volonté politique : à la fois la nécessité de développer un quartier et l'envie de doter la ville de Toulouse d'un lieu d'art moderne et contemporain. Situé sur la rive gauche de la Garonne, les Abattoirs se trouvent en effet du coté qui, historiquement et traditionnellement, n'était pas considéré comme la rive noble de la ville. C'est un quartier qui, d'une part a beaucoup souffert de son image populaire et qui, d'autre part, est situé en zone inondable.

Par ailleurs, le projet se constitue comme l'héritage et le regroupement nécessaire de trois entités locales :  la collection d'art moderne et d'art contemporain du musée des beaux arts de la ville, le fond régional d'art contemporain créé dans les années 80 et le centre régional d'art contemporain de Labège.

Les collections

Les Abattoirs abritent deux collections distinctes : la collection du Musée qui comprend 1200 pièces environ, et la collection du FRAC qui en comprend 800. A cela, vient s'ajouter le fond Daniel Cordier (prêté par le Centre Pompidou), un galeriste Toulousain important dans les années 50. Sa collection se caractérise aussi bien par des peintures et sculptures marquées "années 50" (jean Dubuffet, Gaston Chaissac, etc.) que par tout un ensemble d’œuvres d'art premier. Les collections du musée et du FRAC continuent de s'enrichir chaque année. En effet, deux budgets d'acquisitions qui s'élèvent à 90 000 euros pour le Musée et 150 000 euros pour le FRAC permettent de développer ces collections. La sélection de ces œuvres est assurée par Olivier Michelon en tant que directeur de ces deux établissements. Il est accompagné par un comité d'experts dans le cas de la collection du FRAC, pour laquelle il préfère privilégier des formes plus adaptables, légères et faciles à diffuser, et soutenir la création des jeunes artistes. De même ils favorisent une attention plus grande  à la scène régionale.

La production d'expositions

La direction artistique et la programmation sont assurées par Olivier Michelon. S'il n'y a pas d'espaces d'exposition prédéfinis, il essaie d'établir un rythme qui alterne entre expositions temporaires, accrochage des œuvres des collections et évènements ponctuels. Chaque exposition se construit comme l'écriture d'un récit, d'un scénario ou d'une hypothèse. Olivier Michelon nous rappelle que le musée n'a pas pour vocation "d'écrire une histoire de l'art du 20ème siècle" mais plutôt d'ouvrir des pistes de réflexions et de mettre en lumière des tendances actuelles. Au niveau des collections, de grandes thématiques sont dessinées et alimentées régulièrement par les nouvelles acquisitions : l'espace mental, le rapport entre nature et culture, la naissance et la diffusion des images, les récits individuels et collectifs… par exemple.

Selon lui, les arts plastiques doivent rester une discipline ouverte, "un balcon vers les autres arts". La programmation des Abattoirs inclus des événements ou installations sonores, des projections cinématographiques, etc.

La diffusion sur le territoire 

L'activité de diffusion est également importante, car c'est un des objectif premier du FRAC. Les opérations de diffusion des œuvres sur l'immense territoire de la région  Midi Pyrénées sont donc nombreuses. Les actions en milieu scolaire sont les plus répandues : vitrines d'établissements, cycles d'ateliers autour des œuvres de la collection, etc. Mais des projets sont aussi régulièrement montés avec des établissements hospitaliers et carcéraux. D'autre part, les Abattoirs prêtent régulièrement des œuvres afin d'activer le réseau qui regroupe une douzaine de structures d'art contemporain dans la région. Enfin,  des opérations en milieu rural sont régulièrement développées :  un projet dans une grotte préhistorique en Ariège, l'occupation d'un lieu en pleine campagne à coté de Rodez par de jeunes artistes, ou des résidences chez des vignerons à coté de Gaillac.

Les actions à destination des publics

Le service des publics développe en interne des formes de médiation assez classiques : visites pour les scolaires, visites-conférences, ateliers parents-enfants, un programme de rencontres à l'auditorium, etc. Aucun médiateur ne se trouve dans les salles d'exposition. L'équipe de "médiateurs plasticiens" tels qu'ils se dénomment est particulièrement active au niveau du jeune public et met en place de nombreux ateliers de pratiques artistiques. Un professeur de l'Education Nationale est aussi intégré à l'équipe  afin de réaliser des dossiers pédagogiques et s'assurer que les actions proposées font échos aux programmes scolaires. Olivier Michelon soulève néanmoins un point important : selon lui, le musée ne doit pas remplacer le rôle de l'école mais proposer un autre regard sur le quotidien. D'autre part, des partenariats avec l'Ecole des Beaux Arts et un Master  de l'Université ont été mis en place : chaque année, un groupe d'étudiants travaille à la conception d'une exposition, accompagnée par 5 ou 6 personnes de l'équipe des Abattoirs. Une formule avec des étudiants en médiation est également en train de voir le jour.

Lors de cette rencontre, nous avons pu noter la vision claire et affirmée d'Olivier Michelon sur le rôle du musée envers les publics. Selon lui, la spécificité et l'intérêt du Musée réside dans le fait que ce soit un lieu à la fois ancré dans la ville et qui suit les préoccupations de la vie quotidienne, mais aussi une enceinte qui fonctionne selon un rythme autonome. "A partir du moment ou vous rentrez dans un musée, il y a un seuil. En médiation on parle souvent de cet effet de seuil, on dit que les gens ont du mal a franchir les portes du musée" précise t-il. De son point de vue, le musée doit préserver cet effet de seuil, ce décalage temporel qui permet de provoquer une rupture avec l'expérience quotidienne. Enfin, Olivier Michelon défend aussi le fait que le musée soit un lieu ou l'on peut apprendre à voir. Il explique : "au musée on a le temps de lire une image". Par conséquent, le musée est un lieu rare, en tant que lieu de confrontation avec l’œuvre originale et non pas avec la reproduction, et ceci doit rester primordial selon lui dans la façon d'amener le visiteur à appréhender les œuvres.

Ines Alez Martin - Lily Daragon - Cécile Roche Boutin