
( !A l’heure de la digestion, !) vendredi 17 novembre, nous pénétrons dans un lieu théâtral d’excellence, comme se veulent être tous les Centres Dramatiques Nationaux.
De l’entrée des artistes jusqu’à la Salle Pierre Brasseur, nous parcourons les dédales cachés du théâtre, cela se sent, nous sommes au cœur de la machine théâtrale. Il est aisé ici de s’imaginer l’effervescence qui anime ces lieux. D’abord parce que c’est le lieu de cohabitation de différentes équipes et corps de métiers, qui se croisent et s’interpénètrent au service de la création ; ensuite parce qu’il se joue en ces lieux une course folle, celle de la création. Puis, lorsque laporte de la grande salle s’ouvre enfin, c’est la sérénité qui nous prend. Car la salle renoue avec la tradition dans une déclinaison des théâtres à l’italienne et appelle le regard par ses couleurs bordeaux rehaussées de feuilles d’or. Un instant nous pouvons nous imprégner du lieu, installés dans la corbeille nous découvrons cet espace, dans une contemplation placide.
Sous l’invitation de notre hôte, Jean-Pierre Laporte, directeur technique et scénographe du théâtre, nous quittons (l’aire de jeu) pour aller nous installer dans le grand hall du théâtre, qui donne sur le parvis des arts et avec en premier vis-à-vis le MAMAC et les danseurs de hip-hop en «street-répétition». Une impression d’être au cœur d’un bouillonnement artistique se dégage. Et nous laissons alors Jean-Pierre Laporte nous conter l’histoire de ce Centre Dramatique National, dont nous devons le fondement à Gabriel Monnet en 1969, une des figures marquantes de la décentralisation. Se sont succédés différents directeurs depuis cette date jusqu’à Daniel Benoin aujourd’hui, qui prit les rênes en 2002.
Issus de la Comédie de Saint-Etienne, les deux hommes (Jean-Pierre Laporte et Daniel Benoin) sont des compagnons de route. Depuis leurs installations, une troupe de comédiens permanents assurent les créations et reprises que le centre doit, comme stipulé dans le cahier des charges, proposer à son public.
Comme tous les établissements de ce type, le CDN bénéficie des subventions de l’Etat, de la ville, du département et de la région. Elles permettent d’assurer des tarifs abordables pour tous les spectateurs. Le théâtre arrive également à produire des ressources propres et fait appel aux entreprises privées pour les investir dans le projet et trouver d’autres moyens de financement. La direction de ce type d’établissement engendré par la décentralisation se décide conjointement par l’Etat et la municipalité. Le contrat est signé pour trois ans renouvelables, ainsi Jacques Weber, à qui succéda Daniel Benoin, était en place depuis 15 ans.
Il compte environ 12 000 abonnés et accueille 100 000 spectateurs sur la saison. Des actions de sensibilisations sont menées afin de faire découvrir au public, et surtout aux jeunes de la région, comment le spectacle vivant se construit. Cela passe notamment au travers d’un partenariat avec le lycée technique Pasteur, en faisant réaliser à certaines classes les décors pour les spectacles. Jean-Pierre Laporte explique l’efficacité de cette démarche par le rapport plus direct qu’elle entraine entre les jeunes et le théâtre. C’est une manière de valoriser leur travail manuel et de leur faire voir un envers qu’ils n’auraient peut-être pas soupçonné. De nombreuses rencontres avec les metteurs en scène sont également organisées, pour confronter l’artiste à son public et sensibiliser le public au travail de création. Nous avons pu assister à l’une d’entre elle, ce qui nous a permis de découvrir la seconde salle de représentation du théâtre, construite sous la forme d’un théâtre antique puisque ses gradins sont disposés en hémicycle.
La visite technique du lieu est le dernier moyen mis en place afin de rapprocher le spectateur de la fabrique théâtrale. « C’est une manière de banaliser le théâtre » affirme l’homme à double casquette. C’est un rapport direct au lieu et cela le montre comme un véritable espace de travail avec tous les différents corps de métiers des plus techniques aux plus artistiques. Une fois de plus nous constatons à quel point le théâtre a besoin de rompre avec les représentations et veut s’affirmer comme un espace de vie et de travail.
Le théâtre National de Nice est un lieu phare du théâtre dans les Alpes-Maritimes et reste au cœur de la culture institutionnelle niçoise. Son emplacement sur le parvis des arts lui confère un statut privilégié justifié par l’ampleur de son architecture. La découverte de ce lieu avec deux salles de spectacles où respire la tradition a laissé à notre voyage l’agréable goût de la culture consacrée.