
Rencontre avec son président, Bruno Suzarelli
Monsieur Suzarelli, Président du MuCEM, nous a accueillis pour nous raconter l’histoire passionnante et trépidante de ce lieu atypique qui, grâce au projet Marseille Provence 2013 (MP2013), a aujourd’hui pu voir le jour. Monsieur Suzarelli nous présente la naissance du projet :
- En 1995, Monsieur Collardel, nommé directeur du Musée national des arts et traditions populaires (ATP), fait le constat d’un musée d’ethnographie française en crise : il n’accueille que 30 000 visiteurs par an. A l’heure de la mondialisation, le musée des ATP semble peu pertinent. Plusieurs rapports sont établis et deux solutions sont notamment proposées : délocaliser le musée et le dédier à l’Union Européenne pour sortir du cadre étroit du territoire national.
- La même année, une grande opération est mise en place : le projet « Euroméditerranée », qui vise à rénover les grands terrains industriels urbains non occupés d’Europe et de la Méditerranée pour y développer de nouvelles dynamiques de quartier.
- En 2000, le Comité Interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire et d'attractivité régionale (CIADT) confirme la création du MuCEM.
- En 2004, plusieurs concours pour la concrétisation du projet sont lancés, ainsi que des études : l’Avant-Projet Sommaire (APS), et l’Après Projet Définitif (APD)
- Entre 2005 et 2008, le projet connait une crise budgétaire et politique, liée à un manque d’intérêt local. Aux ATP, des personnes très réservées freinent également le projet car, si sa nécessité et sa pertinence font l’unanimité, certains ont peur qu’il « assassine » les ATP
- En 2007, l’exposition « Trésor du quotidien » au Fort Saint-Jean est mal appréciée par la presse. Cet évènement va mettre en péril le projet car il fait douter les différentes parties-prenantes.
- Toujours en 2007, Marseille dépose sa candidature pour devenir Capitale Européenne de la Culture. Est alors pris l’engagement de concrétiser le projet dans son ensemble si le dossier de candidature aboutit.
C’est en 2009 que Bruno Suzarelli intervient, après avoir eu la confirmation que MP2013 sera effectivement Capitale Européenne de la Culture. Le MuCEM devant ouvrir ses portes en 2013, il y a donc urgence à agir. Le Ministère de la Culture et de la Communication prend la décision de changer d’équipe pour mener à bien le projet. Tout était à faire : programme muséographique, formation d’équipe solide, création d’une structure administrative, etc.
Bruno Suzarelli créé une association de préfiguration et constitue dès 2010 l’équipe de travail. Ils seront confrontés à une contrainte de taille : constituer l’ensemble du projet en trois ans. C’est pourquoi toutes les étapes sont menées parallèlement : l’élaboration de la politique des publics ; la réflexion sur la communication ; le lancement d’études sur les schémas d’exploitation du musée ; l’établissement des budgets prévisionnels d’une année pleine ; l’élaboration des statuts ; sans compter la problématique de définition de la programmation des expositions permanentes, semi permanentes et temporaires ; ou encore la réponse à la question « quelle réhabilitation des différents bâtiments pour y installer les différentes collections ? ».
L’inauguration du musée a lieu le 4 juin 2013 (les espaces muséographiques du Fort Saint-Jean n’ouvriront qu’en janvier 2014). Lors de notre visite, 1,6 millions de visiteurs avaient déjà visité le site en cinq mois. Il nous explique que ce succès est en partie dû à la gratuité du site, qui répond à la volonté de démocratisation culturelle. Un tiers des visiteurs vont voir les expositions, et ce grâce à trois facteurs clefs : la réussite architecturale du site, le fait que Marseille soit la Capitale Européenne de la Culture, et enfin, l’offre culturelle proposée a suscité un intérêt car elle était relativement inattendue (des expositions : « Bazar du genre », « le Noir et le Bleu, un rêve méditerranéen », le Fort Saint-Jean, la programmation artistique, les projections cinéma, les débats, etc.).
Monsieur Suzarelli considère le MuCEM comme une cité culturelle interdisciplinaire et y voit là son gage de réussite. C’est d’ailleurs, selon lui, ce qui va permettre au MuCEM d’avoir une perspective pérenne après MP2013, car cette interdisciplinarité culturelle vient s’ajouter à plusieurs atouts dont sa vocation internationale prononcée. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette internationalité que plusieurs partenariats avec des pays d’Europe et d’Afrique du Nord sont conclus : Maroc, Algérie, et Tunisie.
Le MuCEM à la rencontre de tous les publics
L’emploi du temps chargé de Bruno Suzarelli le contraint à s’éclipser et à laisser la parole à deux de ses proches collaboratrices, Cécile Dumoulin, responsable du département des publics et Julie Basquin, responsable du département de la communication et du mécénat au MuCEM.
Dès février 2010, Cécile Dumoulin intègre l’équipe menée par Bruno Suzarelli pour élaborer la politique des publics du futur établissement en phase de construction. Première étape, une étude prospective des publics est lancée, afin de maitriser le territoire marseillais. Une première étude quantitative permet de fixer les grands objectifs et les moyens humains et financiers de cette politique des publics. Une deuxième étude qualitative est menée auprès de 1000 personnes, à l’échelle non seulement locale, mais aussi nationale (Paris et Lyon) et internationale pendant près de huit mois. L’avis de publics cibles divers (jeunes, familles, amateurs, etc.) et d’une vingtaine de spécialistes du territoire et du monde muséal a fait l’objet d’une attention particulière. De cette étude ressort la nécessité d’atteindre un équilibre entre les publics locaux et les touristes, à l’heure de la reconfiguration urbaine de Marseille.
Avec Marseille-Provence 2013, le MuCEM a déjà attiré un public national et international qui constitue 57% de ses visiteurs depuis son ouverture en juin dernier. L’enjeu est maintenant de poursuivre le rayonnement touristique du MuCEM après le passage retentissant de MP 2013…
L’autre enjeu majeur est l’appropriation de cette nouvelle institution par le public local. Quelques exemples illustrent ainsi la volonté du MuCEM d’instaurer une connivence et une complicité avec les habitants de la région : l’année précédant l’ouverture du musée, un photographe a voyagé dans l’ensemble du territoire à la rencontre du public, invité à donner sa vision de la Méditerranée à travers une série de portraits, diffusés au MuCEM lors de son inauguration et sur un compte Flickr. La conception d’une promenade urbaine, accessible gratuitement, qui connecte le quartier historique à la reconfiguration du littoral participe également à instaurer cette familiarité avec la population.
Comment faire connaître le MuCEM aux publics ? C’est la question que s’est posée Julie Basquin, responsable du département de la communication et du mécénat, afin de concevoir la campagne de communication à l’occasion de l’ouverture du MuCEM.
Une première campagne a été menée à destination du public local.A travers la mise en scène des Marseillais, cette campagne originale avait pour objectif de poser les questions qui étaient celles des habitants pendant la construction du MuCEM et ainsi intégrer tous les publics dans le projet. A la suite de cette première phase de campagne, ce sont des professionnels marseillais de la culture qui ont été choisis pour présenter le nouveau musée.
Première campagne de communication du MuCEM : habitant local (en haut) et professionnels marseillais de la culture (en bas)
Une seconde campagne, visible jusque dans les couloirs du métro parisien, mettait en scène des personnages emblématiques des différentes civilisations méditerranéennes à travers les époques.
Deuxième campagne de communication du MuCEM
Pour accompagner ces différentes campagnes d’affichage, Julie Basquin a engagé plusieurs partenariats d’envergure (France Télévisions, Radio France, etc.) et sollicité de nombreux médias afin d’assurer une notoriété nationale et internationale au MuCEM.
Si, depuis son ouverture, le MuCEM a accueilli 1,6 millions de visiteurs (dont un tiers a visité les expositions), atteignant déjà son objectif de fréquentation pour l’année 2013, le succès à venir du MuCEM n’est pas encore confirmé, une fois MP2013 passé. Cependant, avec la politique des publics mise en place par l’équipe à l’origine de cet ambitieux projet, une postérité prometteuse se dessine à l’horizon méditerranéen…