Pour boucler ce voyage d’études, nous avons pu rencontrer et nous entretenir avec Guillaume Poulet, directeur de la Cinémathèque de Nice le 16 novembre 2018.
Après un parcours scolaire plutôt éloigné du cinéma, et après un premier travail au sein d’un théâtre à Avignon, Guillaume Poulet est revenu à sa première passion, pour le cinéma. Après avoir longtemps travaillé dans l’exploitation en tant que directeur-programmateur de salles, il fut directeur de la cinémathèque de Grenoble et du festival de court-métrage affilié avant de finalement être recruté à la direction de la cinémathèque niçoise l’an dernier. Par ailleurs il chapeaute également le bureau d’accueil des tournages du territoire niçois.
Guillaume Poulet nous a accordé un entretien de 90 minutes au cours duquel il s’est proposé de nous expliquer le fonctionnement de la cinémathèque niçoise qu’il dirige, tout en insistant sur les diverses problématiques et projets qui attendent son équipe pour l’année à venir, à savoir la gestion de la Cinémathèque mais surtout le centenaire des Studios Victorine. Sous l’autorité directe du Maire M. Estrosi, la cinémathèque est chargée de faire le lien entre les habitants niçois et ces studios mythiques, ce qui s’avère être une mission avec de forts enjeux économiques, politiques et culturels.
Il s'agit à travers cet article d'analyser le discours de M. Poulet sous le prisme de ce rapport lieu/mairie et les diverses actions menées conjointement par ces deux acteurs auprès de la population locale.
© Marion Gandois
La Cinémathèque de Nice, une cinémathèque municipalisée
La Cinémathèque de Nice a été créée en 1976 et est une émanation de la Cinémathèque Française, devenant par la suite une association autonome financée par la cité niçoise.
Aujourd’hui, elle est un service de la ville et est une cinémathèque municipalisée, et ce depuis les années 1990.
En termes d’effectifs, la Cinémathèque emploie 10 personnes, toutes étant fonctionnaires, mis à part le directeur, M. Poulet. Elle établit une programmation cinématographique s’étendant de septembre à juin.
Concernant cette programmation, trois employés sont affectés aux choix artistiques. Il n’y a pas d’orientation artistique particulière, mais l’objectif est bel et bien de mettre en valeur le patrimoine cinématographique de l’institution : l’équipe de programmation est donc assez libre dans ses choix.
La Cinémathèque diffuse 400 films par an, ce qui représente en moyenne une vingtaine de projections par semaine au sein de la salle comprenant 250 places. Son budget de fonctionnement repose sur un financement uniquement municipal, ce qui, il est important de le préciser est plutôt rare et minoritaire en France. Cela rend complexe la relation avec les autres financeurs étatiques, mais l’établissement peut compter sur un fort soutien de la part de la Mairie selon M. Poulet.
Elle possède une collection d’environ 9000 films (beaucoup de bobines-pellicules 16-35 mm, même si la salle est également équipée pour de la projection numérique). Elle est dotée de l’équipement nécessaire pour projeter des films-pellicules en 35 mm, et c’est d’ailleurs la dernière salle en France à posséder ce type d’appareil. Elle se repose sur un catalogue national et international, majoritairement constituée d’œuvres françaises, américaines et italiennes bien que l’on trouve peu de négatifs originaux. On ne retrouve pas de spécificités des collections, qui ont été établies au gré des occasions, des opportunités, des dons, et parfois même d’achats.
La Cinémathèque conserve également des objets non filmiques, à savoir des documents (pas forcément liés à la ville ou au territoire) tels que des dossiers de presse, des ouvrages, des photos de tournage (la collection représentant 80 000 documents). L’accès à ces documents est public et l’institution s’engage à rendre disponible son contenu du mieux possible.
La Cinémathèque de Nice comptabilise un total d’environ 35 000 spectateurs par an ainsi qu’un public de 15 000 scolaires. Parmi ces spectateurs, on peut compter environ 9 000 abonnés.
La politique tarifaire est basse, à savoir 2,5€ l’adhésion à l’année et 3€ la séance (2€ pour les scolaires et étudiants) toutefois on peut remarquer que la fréquentation est en baisse, ce qui s’explique par le fait que le public est vieillissant. Une problématique récurrente pour les salles d’Art et d’Essai de France.
Le pourcentage d’entrées pour le cinéma d’Art et Essai à Nice n’est d’ailleurs que de 18%, pourcentage bien inférieur à la moyenne de fréquentation dans les grandes villes (30%). Il s’agit donc de travailler autour de la (re)conquête d’un public plus jeune, une mission ardue pour M. Poulet et son équipe.
Peu d'événements sont organisés par la Cinémathèque de Nice et ceci constitue l’un des chantiers de M. Poulet. En effet, la Cinémathèque considère qu’il est primordial pour concevoir l’avenir de multiplier les événements, les actions et les partenaires à l'échelle municipale afin de mieux s’ancrer sur le territoire, plus précisément auprès des populations les plus jeunes. Cette volonté est également poussée de manière importante par la mairie qui souhaite tisser davantage de lien social et attirer l’attention des citoyens sur le cinéma à l’approche du centenaire des studios Victorine.
Concernant les partenariats déjà mis en place, ils sont multiples. Des actions sont menées pour tenter d’attirer ce jeune public qui fait tant défaut au renouveau de la fréquentation, en voici une liste exhaustive : l’école de cinéma à Nice (ESRA Nice) donne par exemple des cours au sein de la Cinémathèque. Enfin, avec la “Classe Image”, des ateliers de conception de films d’animation sont proposés tous les lundis et mardis midis, aussi bien sur le temps scolaire qu’en dehors de celui-ci aux enfants de la ville afin d’éveiller et d’apporter le goût du cinéma aux nouvelles générations.
Les Studios de la Victorine, le centenaire approchant, l’occasion de redynamiser le paysage cinématographique niçois
Nice entend profiter du centenaire des studios de la Victorine se tenant l’an prochain pour mettre un coup de projecteur sur l’offre cinématographique dont dispose la ville, mais aussi sur l’histoire du cinéma niçois.
Les studios de la Victorine ont été créés en 1919 et sont connus dans le monde entier pour avoir accueilli de grands films tels que Les enfants du Paradis de Marcel Carné, La nuit américaine de François Truffaut, pour ne citer qu’eux. Mais également de nombreux films muets en noir et blanc. La nuit américaine marquant par ailleurs, la fin de la période faste et dorée des studios qui connut un coup d’arrêt.
Puis en 2000, le maire de l’époque, Jacques Peyrat les avait confiés pour 18 ans au groupe Euro Media, leader européen de la prestation technique et de services audiovisuels, qui les avaient alors rebaptisés "Studios Riviera".
Ainsi, les studios obtiennent le statut de Délégation de service public (DSP) pendant 18 ans.
Puis l’an dernier la ville de Nice a repris les studios de la Victorine en régie municipale. Avec du recul, la mairie considère que la DSP n’a pas su dynamiser les studios, les laissant simplement avec une activité minimale.
Actuellement, nous observons une tendance au dynamisme grâce notamment à des tournages d’une série anglaise, de longs-métrages sur le territoire et au sein des studios. L’objectif de la mairie étant de stimuler les studios, de par la prise de conscience politique de l’importance des Studios de la Victorine et de son potentiel économique et culturel, qui sont proches de l’aéroport (qui est le second le plus important de France après ceux de Paris). A cela, toutefois en parallèle une difficulté semble persister, un cruel manque de relation avec les acteurs extérieurs est à déplorer.
La cinémathèque de Nice : http://www.cinematheque-nice.com
Félix Bouvet
Livio Frankias